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Centre d’Information, de Recherche et de Consultation sur les Expériences Exceptionnelles

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L’importance des expériences exceptionnelles chez les adolescents

Résumé anglais et français du poster de Renaud Evrard présenté lors du premier congrès international portant sur la santé mentale et les expériences exceptionnelles à l’Université de Liverpool Hope le 7 septembre 2009.

Abstract

Research clearly demonstrates that many teenagers have interests in paranormal phenomena (both theoretically, and in terms of experiences and practices) (Delestre, 1997 ; Coulombe, 2003 ; Staehler, 2008). But if it’s common, is it inevitably normal ? The main self-reported motives among 80% of teenagers reflect both curiosity and boredom (Mischo, 1991). Encounters with the paranormal are ways to assess some fundamental issues about life, death and spirituality, which are difficult topics to ask elsewhere (Lucadou, 1992a, 1992b). Spiritist and occult practices – during periods lasting generally between 6 weeks to 7 months (Mischo, 1991) – can serve a transitory function for the psychological growth of teenagers (Le Maléfan, 2008). However, in the same way, experiences of so-called entities can complicate some mental disturbances (such as bereavement), or stimulate psychotic breakdown (Maleval, 2000). Some authors found a correlation between paranormal beliefs and measures of schizotypy in two sample of 500 teenagers (Baer, 1993 ; Hergovich et al., 2008). The same pattern with adults can be seen as indicative of mental disorders or of some particular personality traits (like creativity or anomaly-proneness ; Simmonds-Moore, 2003). Despite this ambiguity, this finding encourages a negative discourse on exceptional experiences of teenagers, which are mostly seen as dangerous and irrational beliefs (Klosinski, 1997).

Based on the experiences of the author’s work with teenagers (illustrated by one case) in a clinical practice (Center of Information, Research and Counselling on Exceptional Experiences, CIRCEE), it will be demonstrated that exceptional experiences can contribute both to pathological and salutogenetic aspects of mental health. Hence, it is important to understand adolescence as a structural borderline state (Rassial, 1999) which operates with specific processes. What seems to fall outside norms may actually be a game within norms, i.e. a limit functioning by teenagers. For example, it was not until puberty that children develop a mature representation of death. This transition may still rely on immature representations, for instance in the shape of fantasies of immortality. “Death exists, but it’s not what it looks like” (Gutton, 1993). When these fantasies are not sufficiently good, the teenager sets up behaviours to check them. These can be made by a body-proof action (survival following a suicide attempt, escape from a trauma), but also in a more metaphoric but nevertheless active way : in the form of mediumistic contacts, very lucid nightmares, “premonitory” dreams about deaths, or haunting experiences.

Teenagers’ fantasies of immortality are the kind of processes which provide a function for exceptional experiences, and whose resolution often implies the introjection of cultural objects, as traditional religious beliefs on immortality and permanency. However, before this adopts a conventional shape, it is determined by contemporary forms of teenagers’ believing processes : belief but not faith, floating and probabilist beliefs, subjective opinion outside established religions and in mistrust with regard to institutions (Le Vallois & Aulenbacher, 2006, pp. 62-65). A better understanding of these processes can help to improve the differential diagnosis of teenagers using occult practices, which is their first motive to contact “clinical parapsychologists” (Lucadou & Zahradnik, 2001).

Key-words : Teenagers – Exceptional Experiences – Differential Diagnosis – Occult Practices

Résumé

L’intérêt d’une majorité d’adolescents pour les phénomènes paranormaux, comme théorie et comme expérience, est clairement montré par divers sondages (Delestre, 1997 ; Coulombe, 2003 ; Staehler, 2008), au point de l’élever au rang d’une banalité. Mais, si c’est commun, est-ce inévitablement normal ? Pour près de 80 % d’entre eux, les principaux motifs évoqués reflètent la curiosité et l’ennui (Mischo, 1991). Le contact avec le paranormal est un moyen pour se confronter à des questions essentielles sur la vie, la mort et la spiritualité, des sujets difficiles à aborder ailleurs (Lucadou, 1992a, 1992b). Les pratiques spirites et occultes - durant des périodes durant généralement de 6 semaines à 7 mois (Mischo, 1991) - peuvent avoir une fonction transitoire pour le développement psychologique de l’adolescent (Le Maléfan, 2008). Mais, de la même manière, les réponses des apparentes entités peuvent compliquer certains troubles mentaux, comme le deuil, ou stimuler une décompensation psychotique (Maleval, 2000). Deux auteurs ont trouvé une corrélation entre croyances au paranormal et mesures de la schizotypie dans des populations de 500 adolescents (Baer, 1993 ; Hergovich et al., 2008). Le même pattern avec des adultes peut indiqué aussi bien des troubles mentaux que des traits de personnalité particuliers (comme la créativité ou l’enclin aux expériences exceptionnelles ; Simmonds-Moore, 2003). En dépit de cette ambiguïté, ces données encouragent un discours négatif sur les expériences exceptionnelles des adolescents, les réduisant à des croyances dangereuses et irrationnelles (Klosinski, 1997).

Sur la base d’une pratique clinique de l’auteur avec des adolescents vivant des expériences exceptionnelles (illustré par un cas) au Centre de Recherche, d’Information et de Consultation sur les Expériences Exceptionnelles (CIRCEE), il sera montré que les expériences exceptionnelles peuvent contribuer à la fois aux aspects pathologiques et salutaires de la santé mentale. D’où l’importance de comprendre l’adolescence comme un état limite (Rassial, 1999) qui opère avec des processus spécifiques. Ce qui semble tomber en dehors des normes peut en réalité être un jeu avec les normes, c’est-à-dire un fonctionnement limite des adolescents. Par exemple, ce n’est pas avant la puberté que les enfants développent une représentation mature de la mort. Cette transition peut toujours s’appuyer sur des représentations immatures, par exemple sous la forme de fantasmes d’immortalité. "La mort existe, mais n’en serait pas une" (Gutton, 1993). Quand ces fantasmes ne sont pas suffisamment bons, les adolescents mettent en place des comportements pour les vérifier. Cela peut se faire par une action par le corps (survivre à une tentative de suicide, se remettre d’un traumatisme), mais aussi d’une manière plus métaphorique mais néanmoins agissante : sous la forme de contacts médiumniques, de cauchemars très lucides, de rêves "prémonitoires" à propos de morts, ou d’expériences de hantise.

Les fantasmes d’immortalité des adolescents sont le type de processus qui donne une fonction aux expériences exceptionnelles, et dont la résolution implique souvent l’introjection d’objets culturels, comme les croyances religieuses traditionnelles sur l’immortalité et la permanence. Cependant, avant d’adopter une forme conventionnelle, ces objets sont déterminés par les formes contemporaines du croire adolescent : croyance mais pas foi, croyances flottantes et probabilistes, opinion subjective en dehors des religions établies et même en défiance par rapport aux institutions (Le Vallois & Aulenbacher, 2006, pp. 62-65). Une meilleure compréhension de ces processus peut aider à améliorer le diagnostic différentiel des adolescents utilisant des pratiques occultes, leur premier motif pour une consultation de "parapsychologues cliniciens" (Lucadou & Zahradnik, 2001).

Mots-clefs : Adolescents - Expériences Exceptionnelles - Diagnostic différentiel - Pratiques occultes

References

Baer, S.J. (1993). Zusammenhang zwischen Neigung zu Magie / Okkultismus und schizotypischen Persönlichkeitszügen /psychischen Problemen bei Schülern. Medical Thesis Dissertation, Université of Tübingen.

Coulombe, D. (2003). Le fantastique religieux et l’adolescence. Montréal : Fides.

Delestre, A. (1997). La religion des étudiants. Paris : L’Harmattan.

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Gutton, P. (1993). Essai sur le fantasme d’immortalité à la puberté. Cliniques méditerranéennes, 39/40, 141-154.

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Le Maléfan, P. (2008). « La vérité est ailleurs ». La place du paranormal à l’adolescence comme mode de traitement du réel pubertaire. Adolescence, vol. 26, 3, 709-721.

Le Vallois, Ph., & Aulenbacher, Ch. (2006). Les ados et leurs croyances. Comprendre leur quête de sens et déceler leur mal-être. Paris : Editions de l’Atelier/Editions ouvrières.

Lucadou, W. v. (1992a). Psyche und Chaos - Jugendliche im Umgang mit dem Okkulten (pp.5-42). In : Nr. 16 der Schriftenreihe der Arbeitsgemeinschaft für Gefährdetenhilfe und Jugendschutz in der Erzdiözese Freiburg e.V. (AGJ), Freiburg.

Lucadou, W. v. (1992b). Beten oder Beschwören - Jugendliche auf der Suche nach verlässlichen Antworten. KU-Praxis, 30, 81-94.

Lucadou, W. v., & Zahradnik, F. (2001). Bericht über die Beratungssituation von Jugendlichen mit ungewöhnlichen Erfahrungen (pp.63-77). In : Aktuelle Tipps, Hintergrundmaterialien zum Themenbereich sog. Sekten und Psychogruppen, September 2001 3/01, Ministerium für Kultus und Sport, Baden-Württemberg.

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Rassial, J.-J. (1999). Le sujet en état limite. Paris : Denoël, coll. “L’espace analytique”.

Simmonds[-Moore], C. (2003). Investigating Schizotypy as an Anomaly-Prone Personality. Thesis dissertation in Psychology, Leicester University.

Staehler, F. (2008). Le rapport des adolescents à la religion dans le contexte de l’enseignement religieux catholique en Alsace. Mémoire de Master Recherche, Université Marc Bloch, Faculté de Théologie et Science des Religions, Strasbourg.