Nous proposons dans ce travail de nous intéresser au soin énergétique, une pratique encore peu étudiée en France, malgré sa forte influence sur une grande variété de dispositifs thérapeutiques alternatifs. Cet article tente de préciser les raisons du succès de ces soins et de décrire leurs logiques thérapeutiques à partir de l’analyse des processus psychiques qui les caractérisent. Vingt-cinq thérapeutes (énergéticiens, magnétiseurs, thérapeutes alternatifs) ont été sollicités pour participer à plusieurs entretiens semi-directifs centrés sur la phénoménologie des soins qu’ils proposent à leurs consultants. Le corpus de données a été analysé selon une approche phénoménologique et psychanalytique afin de mettre en évidence les spécificités de ces pratiques.

Le soin énergétique est un ensemble de pratiques thérapeutiques aux méthodes hétérogènes qui reposent sur la représentation d’une « énergie vitale ». Ces pratiques sont fréquemment sollicitées dans des contextes de « malheurs ordinaires » qui associent symptômes somatiques récurrents, souffrances psychiques et étapes critiques de la vie. La pratique et l’efficacité du soin énergétique semblent s’appuyer sur des processus largement inconscients, qui favorisent l’émergence d’états non ordinaires de conscience et potentialisent des processus de transformation psychique. Ces dispositifs pourraient s’apparenter par certains aspects à une forme de médiation dans laquelle le thérapeute s’appuie sur des manipulations corporelles et d’objets pour induire des effets psychiques.

Le caractère apparemment « magique » de ces thérapies polarise le débat scientifique et médiatique autour de la manière dont elles peuvent se conformer ou non aux exigences de la médecine fondée sur des preuves. La modélisation proposée dans cet article permet de se décentrer de ces questions en soulignant notamment le contexte anthropologique associé à l’émergence des dispositifs thérapeutiques alternatifs en Occident. L’approche développée dans cet article prolonge et ouvre le champ de recherche de la clinique des expériences exceptionnelles, en montrant que l’étude des thérapies alternatives, lorsqu’elle n’est pas seulement centrée sur la question de la preuve d’efficacité spécifique, offre une perspective féconde pour mieux comprendre la nature de la relation et des effets thérapeutiques.