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> Spirituality as an anti-psychopathological discourse
Renaud Evrard a participé à l’ouvrage collectif Handbook on Spirituality : Belief Systems, Societal Impact and Roles in Coping, publié par Nova Publishers en Juin 2012.
Plusieurs études épidémiologiques et psychométriques montrent la prévalence élevée d’expériences réputées psychotiques dans la population générale (Evrard, 2011). Leur détection aboutit généralement à un raisonnement circulaire les intégrant dans le spectre de la psychose. Les expériences vécues comme paranormales, ou expériences exceptionnelles, subissent alors une stigmatisation puisqu’elles sont généralement décrites comme étant psychopathologiques, alors qu’elles peuvent ne pas être associées à une psychopathologie manifeste, voire même se révéler de valeur positive pour ceux qui les vivent (Goulding, 2005 ; Schofield & Claridge, 2007).
Au niveau psycho-social, cette stigmatisation se présente comme un ordre effectif du silence qui participe à un isolement social et à la marginalisation de ceux qui les vivent. La censure viendra toucher au plus intime : si une personne se reconnaît une expérience exceptionnelle, elle saura que celle-ci vient révéler une perturbation de son esprit (Schetsche, 2003). Elle conduira à adopter des croyances hétérodoxes ou une vision du monde religieuse alternative (Mayer & Gründer, 2011) et conduira vers des thérapies alternatives.
Un effet psycho-sociologique de cette stigmatisation est l’apparition d’un discours anti-psychopathologique qui postule que les expériences exceptionnelles n’ont rien à voir avec la folie. Elles seraient des formes d’émergence spirituelle qui appellent une nouvelle approche d’accompagnement vers la maturation spirituelle (Grof & Grof, 1989 ; Clarke, 2001). Ce discours se fait le relais du mode d’expression privilégié de ces expériences, qui consistent à assurer à l’auditeur que l’on vit des expériences exceptionnelles sans, précisément, être fou (Wooffitt, 1992 ; Schäfer, 2007). Après un examen approfondi de récits d’expériences exceptionnelles, des chercheurs ont mis en évidence un mode de discours spécifique et défensif qu’ils ont baptisé « mode de communication bouclier » (Schmied-Knittel & Schetsche, 2005). Il est caractérisé par différentes stratégies de communication qui peuvent biaiser la narration dans un but de stylisation de soi : la normalisation afin d’éviter l’impression d’arrogance, et la spécialisation comme expression du rôle spécifique en tant que personne distincte des « personnes normales » (et des « personnes folles »).
Nous voudrions montrer à travers cette revue de littérature et deux exemples comment l’application d’une nosographie ne discriminant pas efficacement les expériences exceptionnelles qui contribuent à la psychopathologie de celles qui contribuent au bien-être psychologie peut conduire, par une série de processus psycho-sociaux, à l’émergence d’un discours basé sur la spiritualité qui va disqualifier la psychopathologie dans l’abord de ces expériences. Or, une approche de psychopathologie différentielle, capable de prendre en compte l’évolution des savoirs et des mentalités, est essentielle pour la prise en charge clinique des personnes vivant des expériences exceptionnelles.
Several epidemiological and psychometric studies show the high prevalence of psychotic-like experiences in general population (Evrard, 2011). The detection of these experiences usually leads to a circular reasoning integrating them into the psychosis’ spectrum. Experiences self-experienced as paranormal, or exceptional experiences (Belz, 2009), then suffer a stigma because they are generally describe as psychopathological, while they may not be associated with frank psychopathology, or even be of positive value for those who live them (Goulding, 2005 ; Schofield & Claridge, 2007).
At the psycho-social level, that stigma become an effective order of silence that may produce social isolation and marginalization. Censorship will touch the most intimate : if someone recognize his/her an exceptional experience, he/she knows that it may just be a disturbance of his/her mind (Schetsche, 2003). This will lead to adopt heterodox beliefs or an alternative religious worldview (Mayer & Gründer, 2011) and be followed by alternative therapies.
One psycho-sociological effect of this stigma is the development of an anti-psychopathological discourse which postulates that exceptional experiences have nothing to do with madness. They would be forms of spiritual emergences which require a new supportive approach for spiritual growth (Grof & Grof, 1989 ; Clarke, 2001). This discourse is the relay of the privileged mode of expression of these experiences, which is to ensure the listener that people live exceptional experiences without, precisely, being mad (Wooffitt, 1992 ; Schäfer, 2007). With regard to the close examination of narrations of exceptional experiences, researchers find the use of a specific, secure mode of speech that they termed a “shielded mode” of communication (Schmied-Knittel & Schetsche, 2005). It is characterized by different strategies of communication which can bias the narration for the purpose of self-styling : normalization as a means to avoid the impression of arrogance and specialization as an expression of one’s own special role and meaning as a person as distinct from ’normal people’ (and from ’crazy people’).
We would like to show through this literature review and two examples how a nosography that doesn’t effectively discriminate exceptional experiences that contribute to psychopathology and those who contribute to psychological well-being can lead, through a series of psycho-social processes, to the emergence of a spirituality-based discourse that will disqualify the psychopathological approach of these experiences. However, we believe that a differential psychopathological approach, which takes into account the evolution of knowledges and mentalities, is essential for the clinical care of people living exceptional experiences.
Belz, M. (2009). Aussergewöhnliche Erfahrungen. Göttingen : Hogrefe.
Clarke, I. (Ed., 2001). Psychosis and Spirituality : Exploring the New Frontier. London : Whurr Publishers.
Evrard, R. (2011). Les expériences réputées psychotiques dans la population générale : essai de problématisation. Annales Médico-Psychologiques, 169(5), 282-287.
Goulding, A. (2005). Healthy schizotypy in a population of paranormal believers and experients. Personality and Individual Differences, 38, 1069-1083.
Grof, S., & Grof, C. (Eds., 1989). Spiritual Emergency : When Personal Transformation Becomes a Crisis. Los Angeles : J.P Tarcher.
Mayer, G., & Gründer, R. (2011). The Importance of Extraordinary Experiences for Adopting Heterodox Beliefs or an Alternative Religious Worldview. Journal of the Society for Psychical Research, 75(1), 14-25.
Schäfer, C.S. (2008) Außergewöhnliche Erfahrungen : Konstruktion von Identität und Veränderung in autobiographischen Erzählungen. Albert-Ludwigs-Universität Freiburg.
Schetsche, M. (2003). Soziale Kontrolle durch Pathologisierung ? Konstruktion und Dekonstruktion‚ außergewöhnlicher Erfahrungen’ in der Psychologie. In : Menzel, B., & Ratzke, K. (Eds.), Grenzenlose Konstruktivität ? Standortbestimmung und Zukunftsperspektiven konstruktivistischer Theorien abweichenden Verhaltens (pp. 141-160). Opladen : Leske/Budrich.
Schofield, K., & Claridge, G. (2007). Paranormal experiences and mental health : Schizotypy as an underlying factor. Personality and Individual Differences, 43(7), 1908-1916.
Schmied-Knittel, I., & Schetsche, M. (2005). Everyday miracles : results of a representative survey in Germany. European Journal of Parapsychology, 20, 3-21.
Wooffitt, R. (1992). Telling tales of the Unexpected : The Organization of Factual Discourse. Hertfordshire : Harvester Wheatsheaf.